« Sur l’écran tactile de mon téléphone portable, je caresse un de ces corps sans nom et sans visage. Un de ces fantômes de pixels qui hante l’autre bout du câble qui nous relie. À 7 000 kilomètres, je ressens la douceur de ta peau d’oxyde d’indium, la chaleur de l’étain. Ta peau qui glisse sous mes doigts. Ton torse se tient entre mon pouce et mon index et s’agrandit inlassablement jusqu’à devenir une bouillie presque brune. Plus rien n’est alors visible. Tu n’es plus qu’une succession de chiffres, un alignement de 0 et de 1 qui semblent être posés de manière hasardeuse. Ceci est ton corps. À 7 000 kilomètres, ton corps ne ressemble plus qu’à une suite de chiffres froids. Ta peau, sa douceur, sa couleur, son odeur dans ces zéros, sa moiteur dans ces uns. Les traits marqués des pectoraux deviennent alors des formes abstraites. Ceci est ton corps désormais. Ton corps n’est plus qu’une plage de pixels dans laquelle je plonge mon regard. Lequel se heurte, se perd, échoue inexorablement. Sur la plage, la mer a englouti le câble. Et avec lui, toutes les possibilités de toucher ce corps.
Tout s’éteint.
Sous la mer, les corps se dissipent. »
À Lannion depuis une vingtaine d’années, un mystérieux câble semble disparaître au fond de la mer, reliant les continents sans qu’on ne le voit. Auparavant, la communication avec l’ailleurs a pris l’apparence d’un radôme et d’un centre de télécommunication, aujourd’hui démantelés. Apollo évoque à la fois la mythologie, une mission spatiale, et un câble au fond de l’océan qui relie la ville de Lannion à Manasquan (États-Unis).
Il s’agit de s’intéresser aux moyens de télécommunication, à leur visibilité et leur place dans notre quotidien. Sans que ce travail vise à être un état des lieux objectif sur ce qu’il reste des réseaux de télécommunication, il nous faut tourner notre regard sur ce vers quoi ils nous relient. Que reste-t-il, dès lors que ce flux devient invisible, des images de corps qu’il transporte d’un bout à l’autre de l’océan ? Ici, ces corps, issus de captures d’écran de l’application de rencontres gay Grindr, et localisés de l’autre côté du câble aux Etats-unis, deviennent autant des sujets de désir que des images fantômatiques peuplant ces réseaux.
Ce travail est le fruit d’une résidence au Centre d’art L’imagerie à Lannion.
Né en 1993, Gwenaël Porte a suivi a suivi des études cinématographiques à Montpellier et Paris, et participé à la création d’une revue de cinéma en 2015. Il obtient le diplôme de l’école nationale supérieure de la photographie en 2019. Il co-fonde la revue La nuit. dont il signe l’identité photographique et co-dirige la collection Penser, décider, agir (éditions Belopolie).
Il vit et travaille entre Paris & Toulouse.
vernissage : samedi 23.09 – 18h
expo : 23.09 – 14.10
mer – sam : 11h – 18h
Le 109 – pôle de cultures contemporaines
89 route de Turin – 06300 Nice
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