JULIE HASCOËT

Carrare, le crépuscule de la montagne

GALERIE DU MUSÉE DE LA PHOTOGRAPHIE CHARLES NÈGRE

[expo individuelle] la chair et la pierre
Vernissage le samedi 23.09
15h - 17h

C’est une petite ville, coincée entre la mer et la montagne.
La plaine est une vaste zone industrielle. 

Depuis le port, on observe la valse des porte-conteneurs qui s’en vont vers le large ; 
on arpente la marina – hameau de campings aux bungalows déserts, fermés pour la saison ;
on marche sans but, aux premières heures du soir, le long d’une voie ferrée qui a oublié sa destination. 

Un désordre de cyprès déchiquetés borde le rivage, reliques d’une tempête récente. Les camions ralentissent la cadence sur la route principale. 
Ce n’est pas une de ces villes côtières propice au tourisme des plages, pas une carte postale. La mer se retire, grise et sale, une mer de métal – comme la coque ternie des navires qui raturent l’horizon.

Au loin, sur les hauteurs, la chaîne des Alpes apuanes se teinte d’un voile rose à mesure que le soleil descend. Étincelants, les sommets sont d’une blancheur de neige : on pourrait s’y méprendre. En grec, marmaros signifie roche resplendissante – pourtant, dans ce coin isolé de Toscane, la montagne a perdu de sa superbe, endommagée par une industrie grandissante qui en a dévoré les sommets. Le panorama se divise en plusieurs bassins marmifères, offrant au promeneur un spectacle aussi fascinant qu’effroyable : un relief rongé de toutes parts, livré à l’appétit vorace d’une myriade de machines toujours plus performantes. Cet écrin de pierre blanche, qui fit la gloire de la province, s’est transformé en un tombeau – symbole d’un capitalisme forcené et d’une dilapidation immodérée des ressources naturelles. 

La vie peine à s’y maintenir. 
Une colère sourde s’élève.

On connaît Carrare pour ses marbres, moins pour son histoire politique. 
C’est pourtant dans ce paysage de carrières aux découpes franches et froides que s’est développée, des siècles durant, une expérience particulière de la révolte et de l’insubordination. Bastion de l’anarchisme depuis la fin du XIXème siècle, la ville a vu se transmettre et se transformer un ensemble de pensées et de pratiques, de revendications et de luttes qui, appliquées à ce territoire et sa géographie si singulière, forment un ensemble pour le moins explosif.

Carrara, il crepuscolo della montagna combine une recherche photographique et une documentation historique et militante, dressant un portrait de Carrare au travers de ses luttes et de l’évolution de son paysage. Ce projet donne à voir les liens qu’entretiennent les pratiques politiques avec un territoire donné – ici, celui des carrières de marbre – depuis la fin du XIXème siècle jusqu’à l’heure du capitalocène.

Cette exposition à la Galerie du musée de la photographie Charles Nègre accompagne la sortie du livre Carrara, il crepuscolo della montagna aux éditions Autonomes.
Ce projet a été réalisé grâce au Prix International de la Photographie d’Architecture et de Paysage Gabriele Basilico, et a reçu le Prix Satellite 2023.

Julie Hascoët (née en 1989 à Douarnenez, vit et travaille à Brest) mène un travail protéiforme qui déborde le cadre strict de la photographie pour embrasser les domaines de l’édition, de l’installation et des pratiques curatoriales. Photographe, diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie à Arles (2012), son regard se porte sur les territoires en marge et les formes générées par leur occupation, mêlant une approche poétique autour du paysage à une dimension humaine plus politique. Depuis 2013, elle est co-fondatrice et co-responsable de ZINES OF THE ZONE, plateforme itinérante dédiée aux formes auto-éditées du livre photo et dont le champ d’action se situe entre l’exposition, l’archive et le voyage. Depuis son installation à Brest en 2019, elle co-organise des concerts sauvages et fait du commissariat d’exposition. Son travail a récemment été récompensé par le Prix international Gabriele Basilico pour la photographie d’architecture et de paysage.

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INFOS PRATIQUES

vernissage : samedi 23.09 – 15h
expo : 23.09 – 05.11
mar – dim : 10h – 12h30 & 13h30 – 18h

Galerie du Musée de la Photographie Charles Nègre
1 place Pierre Gautier – 06300 Nice